Chronique
Le Web3 : un tremplin pour les marques de luxe dans l’univers digital ?
Publié le par Karen Jouve
Le luxe, généralement connu pour sa désirabilité, son exclusivité, sa manufacture de tradition, sa rareté, est l’un des secteurs les plus prometteurs du Web3.0 et plus spécifiquement de l’avènement des NFTs.
Ces objets numériques sont venus créer de nouvelles expériences au service des marques de luxe pour attirer une nouvelle génération, innover, réinventer les interactions, au risque de "casser" les codes traditionnels des maisons de luxe. Face aux nombreuses opportunités qui se présentent dans l’écosystème Web3.0, comment les marques de luxe peuvent-elle réinventer les codes traditionnels, tout en continuant de partager des valeurs authentiques ? Comment se différencier des autres marques et ne pas tomber dans une approche mainstream et sans valeur ajoutée ?
Les NFTs : une évidente popularité au service de nouvelles expériences.
Si certaines maisons de luxe hésitent encore, nombre d’entre elles ont déjà sauté le pas. Collections NFT, gaming, metaverse, réalité virtuelle... Les cas d’usages ne manquent pas. Ce qui est intéressant d’observer, au-delà du buzz créé par le mouvement depuis les lancements popularisés de Louis the Game, le jeu de Louis Vuitton, de Sharky B le requin de Burberry ou encore de Guerlain et ses drops NFT en faveur de la biodiversité, ce sont les stratégies adoptées par chaque maison de luxe. Rappelons que les NFTs sont des objets numériques uniques qui ouvrent la voie à la propriété numérique dont la valeur réside dans un certificat d’authenticité et une multitude d’avantages exclusifs.
Ces stratégies sont autant d’axes porteurs pour une marque et l'on peut déjà observer trois angles stratégiques opérés par les maisons de luxe. Le dénominateur commun étant la notion de propriété numérique permise.
On observe tout d’abord les NFTs qui permettent de valoriser le savoir-faire d’une marque, soit en éditant des actifs numériques uniques représentant chaque pièce détaillée comme l’a fait Lamborghini, soit en proposant une traçabilité des produits physiques comme le fait Breitling avec Arianee par exemple.
Les NFTs servent également les caractéristiques intrinsèques du luxe. Exclusivité, rareté, édition limitée, aspect artistique soigné. Des propriétés que l’on retrouve aujourd’hui dans la plupart des projets NFT qui utilisent la caractéristique d’exclusivité et d’appartenance à une petite communauté de privilégiés pour justifier les prix souvent élevés des actifs numériques mis en vente sur le marché. Dans ce contexte, le challenge pour le monde du luxe est de réussir à tirer son épingle du jeu et transférer la désirabilité de leurs produits du monde physique au monde virtuel. En d’autres termes, comment un Gucci ou un Louis Vuitton peut faire pour ne pas se faire voler la vedette par les nouvelles icônes du monde NFT que sont devenus les Cryptopunks et les Bored Ape Yacht Club que toutes les stars de la planète s’arrachent.
Cette fois, les maisons de luxe ont décidé de faire du test & learn et non plus d’attendre en observant les autres secteurs. Pour cause, de plus en plus de marques engagent même une transformation plus profonde de leur organisation en faisant le pari du Web3.0 et en créant de nouvelles business unit dédiées, c’est le cas de Balenciaga ou Gucci par exemple. Mais au-delà de la bulle, comment opérer cette transition et parvenir à cultiver les deux mondes pour satisfaire un public diversifié dans un écosystème qui dispose de ses propres codes. Un véritable challenge pour les marques qui doivent trouver l’équilibre entre leur identité historique et le discours qu'elles vont mettre en œuvre dans le metaverse pour conquérir de nouveaux publics et embarquer leur communauté existante dans une aventure à l'avant-garde de l’innovation.
Entre innovation et authenticité, les marques de luxe doivent trouver le juste équilibre pour se positionner durablement dans cet écosystème.
Les maisons de luxe l’ont très bien compris : cette fois, le virage du Web3 doit être pris, si possible bien avant d’autres secteurs afin de saisir les opportunités offertes par ce nouvel écosystème. Pour autant, il ne suffit pas simplement de se lancer et émettre un premier drop NFT, une telle stratégie se réfléchit et se construit en lien avec sa stratégie globale. Car profiter du digital et ouvrir la boîte de pandores du Web3, ce n’est pas refaire dans le monde digital ce qui existe dans le monde réel, mais bien créer de nouvelles expériences exclusives pour une clientèle toujours plus sélective et en attente de sensations.
Même si de nombreux acteurs du luxe ont été pionniers, il reste encore du chemin pour inventer de vraies expériences et tirer pleinement parti de tout ce qu’a à offrir le Web3, pas seulement en surface mais aussi dans les process et tout ce qui entoure l’expérience client et le marketing, autant que les business model et la supply chain. Pour cela, les acteurs qui parviendront à se différencier sont ceux qui établiront des stratégies de long terme, à la fois pour se laisser le temps de tester et améliorer leurs expériences, mais aussi pour se développer progressivement au gré de l’évolution du marché qui est encore très jeune. Enfin, le Web3 et avant tout les NFTs ne sont pas une finalité mais bien un moyen pour atteindre de nouveaux enjeux et une nouvelle population tout en fidélisant et en faisant rêver sa clientèle habituelle.
En somme, les codes traditionnels du luxe trouvent leur paroxysme dans le métaverse qui vient mettre au devant de la scène des expériences surréalistes, et le pouvoir d’inventer et de proposer une vraie expérience digitale empreinte des codes du luxe. En définitive, le Web3, par les metaverses notamment, est l’occasion pour l’industrie du luxe d’inventer ou de réinventer les codes du secteur dans le monde numérique. Un challenge qui n’a pas toujours été réussi dans le Web dit 2.0 que l’on connaît actuellement. Les marques de l’industrie du luxe qui sauront proposer des expériences numériques "de luxe" prendront un avantage concurrentiel considérable dans le cadre de la croissance de ce nouvel écosystème.
L’avenir des maisons de luxe se jouera ainsi dans leur capacité à prendre le virage du Web3 en adoptant les codes spécifiques de cet écosystème, tout en y intégrant l’histoire et l’identité de leur marque. Et, ce, afin de garder un positionnement authentique et unique au service d’une expérience client sans couture et résolument innovante.
Karen Jouve est experte Web3, CEO et co-fondatrice de Doors3.