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« Le Woke devient une véritable communication d’équilibriste » Frédéric Lefret, Institut du Dialogue Civil.

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Le Woke, la jeunesse et l'entreprise : tels sont les sujets du nouveau rapport, réalisé par l'Institut du Dialogue Civil et l'Institut Harris, sur les revendications et aspirations des français en termes de justice sociale et raciale. Pour le Journal du Luxe, Frédéric Lefret, Président de l'Institut du Dialogue Civil, décrypte le mouvement du Woke et son impact dans la société et dans le monde professionnel.

Journal du Luxe

La France est-elle Woke, en particulier sa jeunesse ? L'aspiration au Woke est-elle une question de CSP ?

Frédéric Lefret

Une partie des Français est sensible aux enjeux portés par le courant Woke, notamment le fait de mieux prendre en compte les aspirations identitaires qu’elles soient fondées sur des critères religieux, ethniques ou de genre. On remarque surtout que ce sont les 18-35 ans qui y accordent une attention très importante au sein de la société mais aussi au sein de l’entreprise. D’autres thématiques plus classiques comme l’égalité homme/femme ou la question environnementale mobilisent de façon plus large l’ensemble des générations. En termes de CSP, nous pouvons noter que ce sont les jeunes les plus formés et les plus urbains à porter les revendications Woke.

Journal du Luxe

La question Woke touche-t-elle plus la consommation, le travail ou le citoyen ?

Frédéric Lefret

Aujourd’hui, elle traverse tous les champs de notre société mais de façon plus ou moins importante en fonction de l’âge. Le Woke impacte plus l’entreprise, autant comme marque employeur que comme marque de produits de consommation. La raison est assez simple. En effet, beaucoup de personnes, aussi bien les plus jeunes que les plus âgés, font davantage confiance en l'entreprise, par rapport aux ONG et aux élus, pour changer la société. Ils leurs accordent un rôle plus important et sont donc naturellement plus exigeants.

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Votre enquête démontre le retour du "Religieux" mettant en exergue "la capacité d'une entreprise à répondre aux attentes des personnes selon leur religion", en particulier chez les jeunes. Quelles sont les spécificités sociologiques de cette aspiration (âge, origines, CSP, appartenance politique) ?

Frédéric Lefret

Elles sont d’abord générationnelles. Ce sont les moins de 35 ans qui y sont le plus attachés. Cette tendance se renforce pour les urbains et les mieux formés mais aussi en fonction du positionnement politique, avec une prédominance à gauche, notamment les sympathisants LFI et EEV.

Journal du Luxe

Le boycott d'une marque semble être une méthode de "vieux" pour la jeunesse. "Les moins de 35 ans sont bien plus nombreux que leurs aînés à envisager le recours à des méthodes radicales, comme d'occuper de force un site (32%), de dégrader des panneaux publicitaires, ou même de pratiquer des "micro-sabotages". Ces chiffres concernant ces méthodes radicales sont-ils représentatifs de toute la jeunesse ou de communautés spécifiques ?

Frédéric Lefret

L’âge et l’affiliation politique sont les critères les plus déterminants, bien plus que l’appartenance à telle ou telle CSP. Ce sont ceux que l’on désigne comme les fameuses générations Z et Y, avec une surreprésentation de la génération Z que l’on nomme aussi la e-generation, qui sont moteurs sur ces questions. Ces générations sont sensibles à l’adage "la fin justifie les moyens" au regard de ce qu’ils considèrent pour certains comme la lutte pour sauver la planète.

Journal du Luxe

"Majoritairement les Français souhaitent que les entreprises prennent soin de ne vexer personne. Les deux-tiers des Français penchent pour la prudence dès lors que l’on touche à l’apparence physique, à l’origine sociale ou à l’identité sexuelle ; leurs réponses sont néanmoins très partagées concernant la prise en compte des sensibilités politiques".

Comment expliquer ce paradoxe : les 18-35 ans sont à la recherche de changements radicaux dans la société - prêts au vandalisme selon l’étude -, mais les entreprises, elles, doivent faire preuve de prudence dans leur communication ? Que démontre ce phénomène à double vitesse ?

Frédéric Lefret

Les 18-35 ans sont prêts aux changements radicaux mais sont plus nombreux que les plus de 35 ans lorsqu'il s’agit de demander à l’entreprise de prendre davantage en compte les différences sexuelles, ethniques et religieuses. Un noyau dur de cette jeunesse aspire à vouloir une entreprise à leur image et y conditionne leur entrée à critères décisifs incontournables.

C’est un véritable enjeu pour les entreprises qui doivent concilier des messages parfois antinomiques auprès de deux publics différents aux aspirations souvent divergentes que ce soit comme marque employeur ou comme marque produit. Le Woke devient une véritable communication d’équilibriste.

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