Chronique
Le cœur du temps bat à Besançon chez Utinam.
Publié le par Alexis de Prévoisin
Au cœur de 7 collines, Besançon, aussi nommée cité du temps, vit un renouveau de l’horlogerie dont la Manufacture Utinam est le pinacle de l’art horloger moderne.
Relisez cet incipit car c’est une porte ouverte sur l'histoire du temps, de l’horlogerie à la française, de son épicentre. Elle raconte les horloges - celle astronomique de la cathédrale St Jean - et l’histoire horlogère française jurassienne dans son musée du Temps, les grandes marques de cette région, les beaux mouvements horlogers bisontins, les horloges comtoises que revisite Utinam magistralement, et bien sûr les hommes sur leurs établis manufacturant les plus beaux gardes-temps français.
Lorsqu'en 1993, Philippe Lebru lance sa manufacture face aux portes du musée du Temps, il relance un savoir-faire de la terre originelle. Depuis trois siècles, la ville franc-comtoise s'est affirmée comme la capitale française de l'horlogerie, de la montre en particulier, avec des marques emblématiques comme Maty, Leroy, Lip, Kelton ou Yema en pleine renaissance.
Après la crise du quartz des années 1970-1980 qui toucha durement la France et la Suisse, Philippe fait partie de ce mouvement de renouveau horloger français, porté par un réseau de petites entreprises dynamiques et inventives, dont son entreprise est une figure de proue.
Utinam, la révolution des grandes horloges Comtoises appelées Morbier par les Suisses
Lorsque la marque et galerie horlogère Utinam ouvre au cœur de la ville - 117 & 119 Grande rue - Philippe fait honneur à la tradition horlogère bisontine, avec un grain d’inventivité et de design en plus. Les deux showrooms et l'atelier de ce visionnaire occupent une superbe bâtisse dans le centre historique. Ses créations, la génération Héritage ou iconique avec les Pop up et la célèbre horloge KB2 inspirée par le courant Bauhaus, en partenariat avec Alain Silberstein, et ses montres épurées et élégantes, se vendent dans les MAD Gallery, à Genève, Paris, Dubaï, Taipei, Singapour, Los Angeles.
Il faut aussi découvrir sa montre dont les aiguilles tournent à l’envers, ou celle unique produite en impression 3D- Fusion laser, pour comprendre que Philippe a surtout une vision de cet art mécanique qu’il veut ouvert au public de curieux ou de passionnés en lançant un concept complet du produit et du magasin comme une galerie d’art au format cabinet de curiosités du temps. Pour faire partager, découvrir et aimer l’art horloger avec simplicité.
L'expérience client joue la curiosité et l’interaction avec un atelier nommé "dans la peau d'un horloger", qui permet de s'immerger dans l'univers du temps. Pendant une heure, à l'arrière de la boutique, on apprend à démonter et à assembler un mécanisme comme un horloger ! De quoi susciter des vocations ou des envies de remettre les pendules à l’heure au sein de la maison. Et pour la manufacture, de déployer cette vision contemporaine et ses galeries horlogères dans quelques endroits du monde désormais.
"Plaise aux Dieux" cette modernité et tradition horlogère
Utinam - ce nom latin reprend la devise de prospérité de la ville de Besançon qui signifie "Plaise aux Dieux" - porte le métier de manufacture au rang d’art horloger. Dans notre imaginaire collectif, nos montres françaises ont toutes un lien avec ce berceau historique et sa région : grandes horloges astronomiques, mouvement et oscillation du temps, montres icônes statutaires qui célèbrent les moments importants de la vie des hommes. Dans le sillage et l'élan d’inventeurs et créateurs d’objets du temps, le XIXe siècle aura été marqué par l’horloge à poids et à balancier, le XXe l’aura démocratisée par la montre, et le XXIe commence par une starisation de ces objets luxe de notre quotidien. Utinam a su remettre les grandes horloges au goût du jour.
Philippe Lebru réveille la vision du temps
À Besançon, j'ai rencontré cette paire d’yeux-là, celle d’un horloger hors norme dans le regard de Philippe, et, ils m’ont demandé très simplement "pourquoi j'étais venu jusque-là". Je venais une fois de plus comprendre le temps et rencontrer cet orfèvre et sculpteur du tic-tac. Chez Utinam, j’ai compris qu’il pouvait être un objet d’art, que les magasins prenaient un sens de galerie du temps. Une double dimension d'être et avoir, avec l’instant pour mieux le conjuguer. De quels désirs notre temps de contemporains sont-ils le produit ? De quelle histoire particulière ou lien avec les marques sommes-nous les sujets ? La réponse se trouve en partie dans ce cabinet de curiosités horloger qui fête ses 30 ans cette année. La réponse tient aussi dans ses comtoises - pendule sur pied de Franche-Comté modernisée - et les modèles Pop Up Debout ou muraux, à s’offrir pour son bureau ou sa maison. On trouve dans ses horloges de maison tout ce qui manque à notre société agitée et instable. Elles sont des cathédrales de l'horlogerie, comme de petites chapelles à installer chez soi pour redonner un cœur ou une oscillation du temps à nos intérieurs. On retrouve dans cette notion du temps un réconfort physique immédiat. Et puis, il y a ce silence entre chaque mouvement. Faire silence dans un monde plein de vacarme, c'est un luxe absolu d'aujourd'hui qu'offrent seulement les balanciers à regarder, à écouter le temps, dans un battement ou un silence.
Utinam, le temps devient vivant et créatif
Oui, les horloges et les comtoises sont modernes. Non pas qu'elles fassent le plein encore de tous les foyers contemporains ou des bureaux de présidence, non pas qu'elles ne servent une heure qui s'affiche sur nos smartphones, mais elle offrent le goût du temps qui glisse dans un foyer où l'instant est à la douceur et la pause partagée. Oui, les horloges et les comtoises sont modernes parce que, telles les forêts, les abysses de l’océan ou les sommets des montagnes, elles n'ont strictement rien à nous proposer d’autres que s'arrêter sur le temps pour le contempler ou le vivre de tous nos sens à hauteur d'homme. À peine un murmure pour ceux que le temps intrigue ou intéresse encore. Une écologie de l’âme au XXI siècle : un temps pour soi ! Quand prendre son temps devient un luxe. C'est peut-être cette simplicité qui les rend les œuvres d’Utinam si contemporaines.
Les derniers mots reviennent à Philippe Lebru sur sa vision du temps à la veille de fêter les 30 ans de l’entreprise fin novembre : "je l’ai vu grandir à son soleil comme un matin 30 ans plus loin. Là comme la forme d’un œuf, il glisse dans le volume abstrait de la matière temporelle". Au début de l’aventure "je rêvais d’une horloge atemporelle, de celle qui défie le Temps, tendue entre passé et futur, sa ligne construirait notre rapport à l’autre. Géométrie du sensible, mécanique graphique, témoin ou sentinelle, elle éveille l’espace fixe et livre la forme du temps".
Avec Philippe Lebru et Utinam, le temps commence maintenant.
Alexis de Prévoisin est consultant Retail-Real Estate & Expérience client et auteur du livre Retail Emotions.