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« L’enjeu pour les maisons de luxe n’est plus la livraison, mais la capacité de production. » Valérie Messika et Jean-Baptiste Sassine, Messika.
Publié le par Marie Caroline Selmer
Fondée en 2005 par Valérie Messika, la marque de joaillerie a gravi un à un les échelons jusqu’à devenir une marque de référence dans le secteur. Celle qui ouvrait sa première boutique en 2013, regroupe désormais 550 points de vente répartis dans 76 pays. Une croissance à la fois dynamique et pérenne, qui permet à Messika de rayonner sur ses principaux marchés dont l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie, comme nous l’expliquent Valérie Messika et Jean-Baptiste Sassine, les dirigeants de la marque. Alors comment la Maison Messika a-t-elle fait de sa stratégie retail l’un des piliers de son développement à l’international ?
Journal du Luxe
Quel bilan tirez-vous de l’année 2022 pour la Maison Messika ?
Jean-Baptiste Sassine :
2022 a été une nouvelle année charnière pour la marque, qui, en deux ans, a plus que doublé son chiffre d’affaires. D’un point de vue retail, nous nous sommes focalisés sur deux zones : l’Asie, avec 3 ouvertures au Japon, et le Moyen-Orient, avec l’inauguration de deux nouveaux flagships, dont un second au sein du prestigieux Dubaï Mall dans la « Main Entrance ». Messika est l'une des rares maisons de luxe, aux côtés de grands noms, à disposer de deux espaces commerciaux distincts, signe de la forte attractivité de la marque.
Valérie Messika
Je crois que ce qui a permis à Messika de faire la différence est d’être à la fois présent dans l’échiquier de la joaillerie depuis 2005, et de disposer d’une taille suffisante pour tenir le rythme de la reprise. Il a fallu redémarrer vite et fort pour répondre à la demande, et sans nos équipes, nous n’aurions pas pu relever un tel challenge. L’enjeu aujourd’hui pour les maisons de luxe, ce n’est plus la livraison, mais la capacité de production.
Journal du Luxe
Les études sur le luxe démontrent que le segment de la joaillerie a le vent en poupe, est-ce une tendance que vous observez aussi chez Messika ?
Jean-Baptiste Sassine :
Nous avons été agréablement surpris par ce rebond qui se pérennise, et qui nous a permis de clore 2021 avec une croissance de +65%. On serait tenté de penser que ces bons chiffres reposent sur notre stratégie ambitieuse d’ouvertures de boutiques, or ce n’est pas le cas. Nous avons la chance de grandir en suivant une croissance organique de +40%. En 17 ans, la maison a su imposer un véritable style, celui d’une écriture mode et audacieuse dans la joaillerie, très inspirée des codes de la mode.
Journal du Luxe
Quels sont aujourd’hui vos best-sellers ?
Valérie Messika
Move, notre collection phare, qui constitue un pilier de la croissance continue de la marque, tous marchés confondus. La gamme volontairement dense, qui s’étend de 600€ à 100 000€, inclut des earcuffs, des bagues simples et doubles, mais aussi des colliers et des chokers, qui ont tous pour signes distinctifs les trois diamants en mouvement. Depuis peu, nous observons la montée en puissance d’une seconde collection, la ligne My Twin, qui revisite le Toi & Moi joaillier avec un parti pris contemporain. C’est un véritable atout pour une maison relativement jeune comme la nôtre, d’avoir déjà un produit signature, et un second qui en prend le chemin.
Journal du Luxe
Au-delà des ouvertures de boutiques, Messika a marqué les esprits en organisant les premiers défilés de haute joaillerie pendant la Fashion Week parisienne. Pourquoi est-ce important pour une maison de joaillerie d’investir ce temps fort du calendrier de la mode ?
Valérie Messika
Le premier défilé est né de l’envie de célébrer ma collaboration avec Kate Moss, avec qui nous avons travaillé chaque bijou comme un objet de mode, tant dans sa dimension créative que dans la façon de le styliser. C’est cette réflexion que nous avons voulu partager avec les amis de la maison lors du premier défilé en octobre 2021. Cette décision très intuitive s’est avérée être, avec le recul, totalement cohérente avec les valeurs de la marque, dont l’univers est intensément nourri par la mode, son énergie et son rythme. Nous avons créé un précédent, qui a suscité un tel engouement auprès des médias et de nos clients, que nous avons choisi d’en faire désormais un rendez-vous régulier, et une signature créative de Messika.
Journal du Luxe
Quelle stratégie comptez-vous déployer en 2023, et en particulier sur le retail ?
Valérie Messika
Nous souhaitons consolider le lien que Messika entretient avec le monde de la mode. Cela passe par le lancement de collaborations exclusives, et des collections en série limitée qui nourrissent l’ADN de la maison : celui d’un bijou toujours plus désirable, facile à porter et à accessoiriser.
Jean-Baptiste Sassine
L’année prochaine, Messika va se concentrer sur le marché américain, où nous souhaitons consolider notre présence, avec notamment des pistes à Houston et à New-York. Dans cette optique, nous avons signé un partenariat avec Bucherer pour l’Europe et les États-Unis, qui nous offre une grande visibilité au sein de leur multi-marques. Ce spécialiste de l’horlogerie a accordé sa confiance à peu de marques de joaillerie, et Messika a la chance d’en faire partie. Ce partenariat est fructueux puisque nous nous sommes associés pour ouvrir deux boutiques externes : la première à Covent Garden à Londres, la seconde à Francfort, en Allemagne. En Asie aussi, d’autres ouvertures sont prévues, tandis que nous prévoyons de rester stable au Moyen-Orient, où nous sommes très bien positionnés.
Journal du Luxe
Messika prendra ses quartiers rue de la Paix en 2023, aux côtés des grands noms de la place Vendôme. Comment est né ce projet ?
Valérie Messika
S’installer rue de la Paix n’était pas notre road map, mais lorsque l’opportunité s’est présentée, nous n’avons pas pu la refuser. Autant à nos débuts, un tel emplacement ne nous aurait pas permis de nous différencier, autant cette fois-ci, le timing est parfait. Messika a su développer un ADN très personnel et différenciant, sur lequel nous allons nous appuyer pour proposer quelque chose de complètement différent à la clientèle du quartier dans cet espace de 150 mètres carrés. Sans dévoiler le concept, je peux d’ores et déjà vous dire que les collections et l’expérience seront novatrices.
Jean-Baptiste Sassine
Lorsque nous nous sommes installés en 2013 rue Saint-Honoré, l’adresse était connotée mode, mais pas joaillerie. Des marques comme David Morris, David Yurman, ou encore Buccellati sont arrivées bien plus tard, en parallèle de griffes positionnées luxe. Nous avons suivi l’évolution de la clientèle, qui reste différente de celle de la rue de la Paix, plus conservatrice. Cette ouverture est pour nous un challenge, car nous avons à cœur de respecter l’histoire de cette destination, tout en apportant la fougue et l’audace qui nous caractérisent.