Anne Delliere richemont

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« La vraie réalité augmentée, c'est le luxe » Anne Dellière, Richemont

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Alors que Richemont vient d’annoncer l’acquisition du joaillier italien Vhernier, comment le phénomène d’élévation touche t-il le Groupe ? Comment le retail est impacté par la nouvelle géographie du Luxe ? Échange avec Anne Dellière, Marketing & Strategic Planning Director pour le Groupe Richemont.

Pour en savoir plus, découvrez le dernier Journal du Luxe Intelligence avec Anne Dellière.

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Quelles sont vos missions au quotidien ?

Anne Dellière

Elles reposent sur deux piliers : travailler l’identité des Maisons d’une part et suivre le client du luxe dans tous ses états et dans toutes les régions du monde d’autre part, pour aller comprendre comment il fonctionne, quelles sont ses références culturelles… Si l’on rentre dans le détail, concernant la Brand Equity, nous travaillons sur la définition de la plateforme de marque, son identité, ses valeurs… Et pour cela, nous nous appuyons sur les archives. On travaille également sur l'histoire, les mythes, les références culturelles. Et concernant l’analyse client, cela comprend différentes actions dont la mise en place d’un CRM.

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Comment se traduit la stratégie d’élévation des Maisons de luxe ?

Anne Dellière

Ce phénomène ne doit pas être pris uniquement à l’aune de la hausse des prix et du fait de ne s’adresser qu’à une minorité de clients, les VIC, qui ne sont pas soumis aux différentes variations économiques. La véritable élévation du Luxe est d’abord un mouvement, qui consiste à sortir de la norme, à faire preuve de créativité, d’audace et de subversion. C’est un véritable pas de côté !

C’est aussi une nouvelle forme de "relation avec les puissants" qui peuvent être aussi bien incarnés par Louis XIV que Kim Kardashian. Ce système d'élévation va effectivement vous amener, à travers l’objet, à un monde différent : des plus sachants, des plus riches, des plus puissants, des plus cultivés, des plus beaux. L’objet devient en quelque sorte un élément transactionnel pour accéder à ce nouveau monde. Les Maisons de luxe doivent donc porter leur attention sur cette idée d'ascenseur, d'élévation, d'emporter tout le monde et non de ne s’adresser uniquement qu’à des "Demi-Dieux".

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Ces objets de luxe permettent, en quelque sorte, l’accès à une vie enrichie ?

Anne Dellière

Je dirai même l’accès à une vie augmentée ! Ce sont des objets qui vous augmentent, vous, votre beauté, votre quotidien. Les Maisons vendent l’accès à un monde plus beau, plus protégé, comme on vendrait un talisman. Il y a donc une forte dimension émotionnelle, plus que rationnelle.

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Quel est l’impact sur l’offre d’entrée de gamme ?

Anne Dellière

Dans ce mouvement, certaines Maisons ont abandonné leur entrée de gamme ou l’ont redirigée vers des biens éphémères (un café, un parfum…) alors que tous les objets vendus doivent être porteurs de valeur et être à la hauteur du pouvoir qu’on leur confère.

D’autres Maisons réussissent particulièrement bien cet exercice de valoriser un savoir-faire dans chaque objet, le plus petit ou le plus "access" soit-il. C’est notre conviction, d’aller mettre de la rareté et de la préciosité dans chaque objet créé pour en faire un objet de valeur, non pas uniquement par le prix.

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La valeur d’un produit de luxe se définit-elle intrinsèquement par sa qualité ?

Anne Dellière

C’est en effet une valeur intrinsèque. Le fait que ce soit un objet bien fait, avec des matériaux de qualité, un savoir-faire particulier en fait quelque chose de précieux et qui a de la valeur. Une qualité qui doit être d’autant plus au rendez-vous face à la forte augmentation actuelle des prix et où, tant le grand public que certains influenceurs, n’hésitent pas à remettre en question ce rapport prix/qualité dans une logique "en avoir pour son argent" (Value for Money). Ne pas être au rendez-vous sur le sujet de la qualité constitue donc une réelle rupture de contrat avec les clients.

La définition du prix d’un produit de luxe reste toutefois un exercice sensible puisque parfois, à l’inverse, s’il arrive à une Maison de ne pas proposer un prix suffisamment en adéquation avec la valeur perçue haute par les clients du Luxe, ceux-ci peuvent le délaisser. On doit donc être dans ce juste milieu entre la valeur symbolique et la valeur réelle.

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Face à un contexte économique tendu, quelle est la nouvelle géographie du Luxe ?

Anne Dellière

Toujours dans cette logique d’adresser les VIC, plusieurs Maisons de luxe se sont concentrées sur les années 70 où le Luxe était acheté à 70% par les Européens. Aussi, avec la crise économique qui touche notamment la Chine, il est probablement intéressant de s’adresser de nouveau plus particulièrement à la clientèle locale : les Français, les Italiens, les Anglais... Se présente alors un nouveau challenge : celui d’être opérationnel tant pour les Européens, que les Indiens ou les Chinois. Aux marques de renouer avec une des caractéristiques intrinsèques du Luxe, à savoir la capacité à marier les univers, les cultures… dans une approche très lifestyle.

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L’Inde, nouveau moteur du Luxe ?

Anne Dellière

Or, pierres précieuses… Il y a d’abord un savoir-faire extraordinaire en Inde, où de nombreuses familles disposent d’un joaillier. D’un point de vue sociétal, c’est un moment très challengeant avec du mouvement et le regain d’une certaine fierté de la consommation nationale. Les mariages, par exemple, sont invités à être célébrés dans le pays plutôt qu’étranger. Pour les Maisons de luxe, l’Inde représente un marché encore balbutiant mais auquel il faut se préparer dès maintenant : construire son discours de marque, trouver un positionnement différent d’un joaillier local pour ne pas être en comparaison directe... Aux marques de capitaliser sur leur histoire singulière, formidable à raconter et à transmettre, mais aussi sur un dialogue culturel qui va progressivement s’installer.

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Cette nouvelle attractivité des clients indiens impacte-t-elle le retail, en Europe notamment ?

Anne Dellière

La façon dont on accueille les client indiens dans les boutiques doit aujourd'hui évoluer. Il y a notamment un sujet sur la sécurité, mais aussi sur le respect en adaptant l’accueil qui est encore trop assimilé à celui qui peut être fait pour la clientèle chinoise alors que ce ne sont pas les mêmes codes de bienséance qui sont attendus. Cela impacte par conséquent les recherches de recrutement où chaque collaborateur doit se faire garant d’un amour pour l’ouverture au monde mais aussi dans la recherche de profils qui savent faire appel aux références culturelles et artistiques de chaque culture, voire de chaque pays. Cela demande une certaine finesse dans l’approche culturelle : qu’est-ce que le service pour un Français ? Un Japonais ? Un Américain ? Pour les uns, il est important que l’on vous amène une collation, assis sur un fauteuil… Pour d'autres, le respect d’une certaine distance, tel un cérémonial, est primordial. Pour d'autres encore, la proximité et la familiarité, comme le fait de connaître le prénom du vendeur, sont essentielles.

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