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« Diptyque est avant tout le regard d’artistes sur le monde du parfum » Laurence Semichon, Diptyque.
Publié le par Eric Briones
Depuis sa création, la maison de parfumerie Diptyque a fait des collaborations artistiques un élément fort de son ADN. Entretien avec Laurence Semichon, Senior VP Parfums & Beauté.
Journal du Luxe
L’art est une thématique de plus en plus utilisée en termes de collaboration et d’inspiration. En quoi l’univers Diptyque se différencie t-il ?
Laurence Semichon
Il est vrai qu’aujourd’hui de nombreuses marques multiplient les références au monde de l’art. Diptyque utilise moins l’art qu’elle n'en vient, et c'est là toute la différence. Il suffit de se rappeler que les fondateurs étaient tous trois issus du monde de l’art par leurs pratiques, entre peinture, théâtre et architecture, et que leur formation était artistique, de l'Ecole du Louvre à l'Ecole des Beaux Arts vers l'Ecole des Arts décoratifs. L'essence de la maison Diptyque est avant tout le regard d’artistes sur le monde du parfum, du graphisme et de l’objet, bien plus qu’une marque dont l’art ne serait qu’une thématique parmi d’autres.
Journal du Luxe
Un parfum est un voyage dans un territoire unique. Qu’est-ce que l’art apporte de plus dans ce voyage olfactif ?
Laurence Semichon
Ce que l’art apporte, c’est précisément le regard inédit que l’artiste pose sur ce voyage. Pour les artistes fondateurs de la maison, et pour tous ceux qui collaborent avec Diptyque, chaque nouveau territoire - odeur, image, forme - est un champ de sensations et un potentiel d'expression. Au cœur de Diptyque, il y a toujours cette synesthésie au sein de laquelle se répondent senteurs, récits et visuels.
Journal du Luxe
Est-ce que le monde de la beauté peut se faire une place dans le monde de l’art ? En quoi ?
Laurence Semichon
Il s’agit peut-être moins de se faire une place dans le monde de l’art que de continuer ce que Diptyque a toujours fait : édifier des passerelles, tisser des liens, susciter des échanges. Le monde de l’art et celui de la beauté obéissent à des systèmes à la fois très sophistiqués et très distincts les uns des autres, et vouloir les fondre serait vain. En revanche, Diptyque continuera toujours de poser sur le monde du parfum, qu’il soit pour la maison ou pour soi, un regard directement issu du monde de l’art. Celui de l’artiste.
Journal du Luxe
Quel est le cheminement qui conduit à une campagne mêlant parfums et art ?
Laurence Semichon
Depuis toujours, Diptyque échange avec des artistes. Nous pourrions presque dire qu'il s'agit moins d'un cheminement qu’une habitude. Par exemple, le livre de Tim Walker sur Do Son s’inscrit parfaitement dans cette idée. Ce chemin nous est assez naturel : en choisissant de travailler avec Tim Walker pour Do Son ou avec Hiroshi Sugimoto pour Le Grand Tour, à l'occasion des 60 ans de la marque, Diptyque suit au fond toujours la même démarche, à savoir croiser des visions et des approches.
Journal du Luxe
Comment repérer et choisir l’artiste qui correspond le mieux aux attentes de la marque ?
Laurence Semichon
Les artistes avec qui nous collaborons sont sélectionnés pour leur travail en affinité avec l’esprit de la marque, mais aussi parce qu’ils apportent une sensibilité nouvelle, une réinterprétation des facettes de la maison et un regard neuf sur nos récits.
Journal du Luxe
Chaque artiste possède ses propres codes. Est-il préférable de se mettre du côté d’un(e) artiste qui partage les mêmes codes ou d'opter pour des codes différents afin de mettre en valeur une plus grande diversité ?
Laurence Semichon
C’est un point important. Bien sûr, le choix d’un artiste dont le territoire d’expression recoupe celui de Diptyque est essentiel quant à la réussite de la collaboration. Pour autant, il faut savoir faire des écarts, prendre des risques afin de ne pas s’enfermer dans son monde, même s’il est riche. Lorsqu’en 2021, Diptyque développe un parfum et son flacon avec Hiroshi Sugimoto inspirés de sa fondation agricole Kankitsuzan près de Tokyo, la maison s’éloigne sensiblement de son strict territoire. Hiroshi Sugimoto est un sculpteur-photographe et ce partenariat a permis de sentir un Japon inédit, lieu d’inspiration majeur de nos fondateurs.