Chronique
The Beast, décryptage d’un lancement parfum réussi en Chine.
Publié le par Dao Nguyen
Avec et sans idole. Ou la fin du marketing paresseux… Analyse du lancement de parfum The Beast en Chine.
Comment séduire les GenZ chinois aujourd’hui ?
Le raccourci souvent emprunté par les marques via les idoles est désormais volontiers associé au marketing paresseux par les jeunes les plus avertis. Les nouvelles marques locales ne s’y trompent pas et savent conjuguer l’intérêt des jeunes pour la nouveauté et leur sensibilité au guochao - réexploration de l’héritage culturel et de la fierté nationale - sans compter uniquement sur l'attraction des idoles. Démonstration et décryptage avec le dernier lancement de The Beast, dont le déploiement n’a rien à envier aux plus grandes marques.
Quelles sont les maisons de luxe aujourd’hui qui ne s’appuient pas sur les célébrités locales ? Les nominations sont nombreuses et constantes. Ainsi, Gong Jun, jeune acteur au 17 millions de fans, représente à la fois Armani Beauté, YSL, Vuitton, Stylenanda, Fresh, Braun, Sisley et The Beast, pour ne citer que quelques unes de ses collaborations les plus récentes. Pour les marques - tant occidentales que chinoises - qui s’appuient aujourd’hui sur un groupe commun et resserré d’idoles, comment faire la différence ?
The Beast, jeune marque locale de parfum, donne des éléments de réponse à travers son dernier lancement Panda Poo Poo. Tout commence par une série de posters animés mettant en scène Gong Jun et un grand panda, qui sert de teaser au lancement. L’intérêt va crescendo : au fil des trois posters diffusés, 42K likes, puis 75K likes, jusqu’à 890K (!) likes sur Weibo - respectivement sur les pages de la marque et de l’acteur.
Mais, loin de s’en tenir à l'attraction significative de Gong Jun, la marque injecte dans la foulée une série de vidéos rétro en noir et blanc. Coulisses, panda géant mis en scène comme un IP, éléments de retail, voiture redesignée : les codes du lancement se dessinent jusqu’à la vidéo finale qui dévoile les deux lancements Q香et A香, respectivement inspirés des aliments favoris du panda, à savoir le bambou et la pomme verte. Un parfum attendrissant de jeunesse, un parfum élégant d’adulte, un duo en noir et blanc qui se complète à merveille. Tout est cohérent et construit. Tout suscite l’excitation.
La marque ne se contente pas d’attiser le support des 17 millions de fans de l’acteur. Elle prend soin de transmettre l’expertise olfactive, évoquée par les fioles d’essai dûment étiquetées "Robertet" dans la vidéo.
Tout est en place, The Beast peut maintenant orchestrer un livestreaming depuis le studio construit pour l’occasion : 2,2 millions de likes pour le post sobrement intitulé "Pow Pow" par Gong Jun, relayant une dizaine de photos de l’événement.
En Chine, on ne boit pas que du thé.
La consommation annuelle de café y augmente de 15% par an - vs 2% en moyenne dans le monde - selon Chinafoodpress. Un terrain propice à la collaboration Beast x Manner.
The Beast aurait pu s’en tenir aux initiatives citées précédemment. Mais elle complète son dispositif avec une brillante cross-collaboration menée avec Manner, chaine de café locale classée parmi les marques chinoises de biens de consommation à plus fort potentiel, selon Ranking 2021 CBN Data.
Dans ce cadre, Manner a crée des "Panda latte" en édition limitée, dont les saveurs sont inspirées des parfums de The Beast : pomme verte, banane, poire/sureau, groseille à maquereau, feuilles/vanille, miel et bois. Chaque tasse arbore, en outre, le panda du parfum.
L’initiative a recueilli plus de 100K vues et les commentaires très positifs plébiscitent tant Manner que Beast. "J’adore Manner et n’aurais pas pensé qu’en savourant une tasse de café je pourrais en même temps découvrir le parfum de The Beast", "Qui peut maintenant ignorer Q香 et A香 ?", "Quels jolis verres, adorable !" peut-on lire.
La campagne d’échantillonnage est ambitieuse. Pour l’occasion, les clients pourront gagner des échantillons de deux ml s’ils relaient l’activation sur leurs réseaux sociaux. La marque a en effet prévu pas moins de 100 OOO échantillons à distribuer et commercialiser en trois volets entre Wechat, Manner et des distributeurs placés dans les centres commerciaux.
Décryptage et enseignements clés ? Nouveauté, guochao et la fin du marketing paresseux.
Une campagne impactante, des partenaires choisis, une thématique judicieuse : au-delà des temps forts du déploiement, marqués par les posters, vidéos, livestreaming, cross-collaboration et campagne d’échantillonnages, The Beast comme Manner sont représentatives des jeunes marques locales qui suscitent l’intérêt et la sympathie par leurs ambitions nationales. En mutualisant leurs forces, elles grandissent ensemble.
Le panda est par ailleurs officiellement considéré comme un trésor national 国宝, symbole de paix et d’amitié. Sa popularité est immense et n’a pas d’équivalent. Le choisir comme emblème d’un parfum local est à la fois pertinent, unique et innovant. Dans ce contexte, Gong Jun est un élément essentiel du dispositif de déploiement, mais il n’en est pas l’unique ressort.
L’enseignement clé de demain pour les marques ? Le temps où les maisons pouvaient se contenter de faire poser une célébrité avec le produit du moment est révolu. De plus en plus, les marques locales comme internationales devront faire preuve d’imagination et conjuguer leurs efforts pour s’ajuster à une situation dans laquelle les consommateurs recherchent continuellement la nouveauté et sont sensibles au guochao. Cela demandera naturellement aussi des efforts supplémentaires pour adapter storytelling et traductions olfactives. Un nouveau chapitre s'ouvre.
Dao Nguyen est Fondatrice d’Essenzia, agence dédiée aux marques de parfum et beauté.