Pourquoi les maisons de luxe ont-elles intérêt à créer des icônes ?
Publié le par Marie Caroline Selmer
Si le luxe a toujours été porteur de valeur refuge, celle-ci s’exerce à plein régime lorsque les maisons sont en capacité d’inscrire leurs icônes dans la durée.
Entretenir la désirabilité….
Panthère de Cartier, Quatre de Boucheron, 2.55 de CHANEL, Birkin ou Kelly de la maison Hermès… autant de pièces emblématiques qui participent à l’aura de la maison, et à sa désirabilité. La force de ces icônes ? "Elles tiennent dans le temps. Ce sont des figures qui accompagnent des cohortes de générations, faisant jouer le pouvoir de prescription entre les parents et les enfants", explique Gachoucha Kretz, Professeure de marketing à HEC. Une stratégie payante, dont se sont depuis longtemps emparées des maisons comme Hermès, Chanel, ou même Cartier.
Prenons l’exemple de la montre Panthère. Dans les années 80 et 90, c’est "la" montre à avoir. Le modèle, décliné en plusieurs variations, se hisse en tête des best-sellers de la maison de la place Vendôme. À tel point que pour éviter la saturation, Cartier met son icône en sommeil au début des années 2000. Une pause bienvenue, qui lui permet de revenir avec éclat en 2017 et de surfer depuis sur la vague du succès.
Pour mieux driver les ventes
Car au-delà de l’image, ces produits ont tout du parfait "Sales Carryover" pour reprendre l’expression anglaise, autrement dit des drivers de vente. "Toutes les maisons courent après ce que j’appelle des piliers de marque, qui sont sociétalement et socialement intemporels. Quoi qu’il arrive, ces pièces détiennent de manière intrinsèque une valeur qui justifie son prix, et l’investissement qu’il représente". Dans un contexte économique plutôt morose, où les maisons ne vont pas pouvoir vendre plus, il faut trouver les moyens de vendre plus cher. Et en cela, les piliers de marques remplissent la mission à la perfection. "Il n’y a qu’à voir la stratégie tarifaire de CHANEL vis-à-vis de sa ligne de maroquinerie. Les vagues d’augmentation (4 hausses consécutives en moins de 12 mois) ont fait basculer certains modèles dans la catégorie ultra luxe. Sur ces pièces, la hausse de prix est acceptée par la clientèle, dont la demande ne faiblit pas", approfondit Gachoucha Kretz.
Concrètement, à partir de combien de temps un produit peut-il prétendre au titre d’icône? "Cela se compte en décennies, précise la professeure de marketing, entre 30 et 50 ans". Une mise à l’épreuve de longue haleine, qui n’a rien d’étonnant. Après tout, le temps long n’est-il pas l’apanage des maisons de luxe?
Si l'on applique cette stratégie à la marque dans sa globalité, celle-ci doit être en capacité de créer des figures emblématiques dans chaque catégorie de produits, comme l’horlogerie, la joaillerie, la maroquinerie ou encore le prêt-à-porter. De sorte qu’ensemble, ces piliers puissent faire vivre la grammaire visuelle d’une maison. "Comme en grammaire, les codes et leur combinaison donnent au langage un caractère stable et immuable dans le temps. Pour CHANEL, le camélia, le noir et blanc, le matelassé, et les lignes pures sont autant de références qui impactent positivement la marque en la renforçant", conclut l’experte en marketing. En un mot : travaillez vos icônes !