Alessandro Michele Gucci

Alessandro Michele : chronique d’un assassinat annoncé chez Gucci.

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La nouvelle est tombée, un des créateurs emblématiques du « Luxury Circus », Alessandro Michele a été débarqué de Gucci. Un acte soudain, mais qui n'est en réalité guère surprenant, en témoigne ma chronique déjà publiée en février 2021 sur le Journal du Luxe « Faut-il déjà brûler la maison Gucci ? ». Son départ était inéluctable, tant par ses résultats économiques que par sa singularité. Cogito en 4 points.

1. Alessandro Michele, victime de l’extension permanente du domaine du luxe.

Les marchés financiers sont sans pitié. Gucci enregistre une croissance de ses ventes de 9 % sur le dernier trimestre, alors que ses grands concurrents dépassent les 20 %, confirmant une tendance au ralentissement depuis des mois. L’extension du domaine du luxe demande des croissances fortes, le surplace fait tache, surtout quand il s’agit du vaisseau amiral.

2. Alessandro Michele assassiné par les High Net Worth et la Chine.

Résilience oblige, le luxe se prépare à vivre dans un monde en récession économique. Pour cela, il concentre ses moyens dans la séduction et la fidélisation de ses clients les plus fortunés (Uberluxury ou Gilded Luxury). Or, la désirabilité du style radical Michele ne faisait que s’essouffler auprès des HNWI, plus tentés par les propositions créatives sublimant la qualité, l’artisanat, l’intemporalité (cf. Bottega Veneta). Enfin, la Chine qui, après des années de surconsommation de Gucci, a enregistré un ralentissement brutal de l’appétit des jeunes chinois pour les produits de la marque (abondance de Gucci dans les dressings, climat dépressif lié aux politiques Covid zéro…).

3. Alessandro Michele, victime de la solitude du communicant génial.

Michele aura laissé une empreinte exceptionnelle dans le monde de la communication luxe, propulsant ses campagnes publicitaires au rang d’œuvres artistiques, proposant un univers créatif totalement singulier et taillé pour l’inclusivité digitale, tellement original qu’il en devenait parfois illisible pour les non-initiés. Mais le plus marquant ces derniers mois a été le décalage quasi-schizophrénique entre les communications Gucci et l’expérience en boutique. D’un côté, un carnaval d’images psychédéliques et de l’autre une rationalisation commerciale sur les classiques de la maison. Ce n’était pas tenable à moyen terme.

4. Alessandro Michele, Néron dans son royaume.

L’offre masculine Gucci peinait à se développer, au-delà de ses aficionados. La rumeur voulait qu’Alessandro ne souhaitait pas partager son pouvoir avec un nouveau créateur dédié à l'Homme, comme le font, avec réussite, les Dior ou Vuitton.

Les raisons du départ d’Alessandro Michele sont donc multiples et profondes. Son départ est vécu comme un traumatisme par ses nombreux fans, mais là encore ce n’est pas une surprise : il l’avait prophétisé lors de son premier défilé aux accents macabres, avec ses mannequins marchant sur le catwalk avec la réplique de leurs têtes… coupées.

Alessandro Michele Gucci
©Instagram Alessandro Michele/Gucci

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