Exclusif
« Notre ambition est de mettre en avant les créateurs actuels de l’univers Web3 afin de démontrer leur impact croissant sur l’industrie du Luxe. » Diaa Elyaacoubi, Monnier Paris.
Publié le par Journal du Luxe
Focus exclusif sur le dernier Hors-Série "IA, Web3 et Luxe : au cœur d’une (R)évolution technologique" du Journal du Luxe avec un extrait de l'entretien mené avec Diaa Elyaacoubi, CEO, Monnier Paris.
Journal du Luxe
Anciennement Monnier Frères, Monnier Paris est une plateforme française d’e-commerce spécialisée dans les accessoires de Luxe. Quel est le parcours de cette entreprise... et le vôtre ?
Diaa Elyaacoubi
Au sein de Monnier Paris, nous avons entrepris une transformation numérique intensive depuis plusieurs années en capitalisant sur les acquis existants : une entreprise dotée d’une plateforme de marque solide, d’une histoire, d’un ADN et d’une compréhension approfondie du parcours client dans le domaine du Luxe, ce qui constitue une base extrêmement précieuse. En ce qui concerne mon profil, je viens du secteur de la technologie. J’ai contribué à la mise en place des premiers réseaux technologiques, en travaillant sur des domaines tels que l’algorithmique, le deep learning et le big data. J’ai plus de vingt ans d’expérience dans ce domaine et je m’efforce d’apporter mon expertise à cette industrie. Au sein de Monnier Paris, nous essayons de développer tous les sujets technologiques dont le grand public parle actuellement et qui transforment l’ensemble des industries. Pour moi, la blockchain et le Web3 sont des domaines à part entière, qui représentent l’équivalent de l’internet des années 2000. Il existe aujourd’hui une rupture révolutionnaire entre le Web2 et le Web3, une évolution qui ne se fera pas en douceur en comparaison à celle que nous avons connue entre le Web1 et le Web2. Selon mon analyse des dix dernières années, la blockchain et le Web3 en général apportent de nouveaux usages et transforment profondément toutes les industries. Nous observons l’émergence de nouveaux consommateurs qui sont nativement digitaux, qui apprécient l’instantanéité, l’authenticité, le récit et l’interaction. Pour comprendre l’évolution des canaux de distribution, il est intéressant de remonter dans le temps pour essayer d’anticiper ce qui nous attend. Il y a plus de 20 ans, les magasins physiques sont apparus avec leur stock de produits, chaque marque faisant la promotion de ses articles pour attirer sa clientèle. Puis en 2010, les places de marché sont apparues, provoquant une perturbation majeure au niveau des opérations en back office. Ces marketplaces ont permis de connecter un grand nombre de vendeurs ayant du stock, sans avoir à gérer eux-mêmes tout ce stock. Ce que nous observons aujourd’hui, depuis les années 2020, c’est la virtualisation des différents canaux de distribution. Les utilisateurs peuvent accéder aux produits et services de la marque par une multitude de canaux tels que les sites internet, les réseaux sociaux, les marketplaces, les plateformes de jeu, les plateformes de streaming, et bien d’autres encore. Ces canaux de distribution deviennent de plus en plus numérisés et interactifs, ce qui implique une communication totalement différente et plus transparente. C’est précisément sur ces aspects que nous nous positionnons en développant une plateforme de nouvelle génération, permettant un parcours véritablement omnicanal. Nous nous appuyons sur la virtualisation de l’ensemble de nos canaux tout en cherchant à maintenir un lien étroit et une proximité avec les utilisateurs.
Journal du Luxe
Pourriez-vous nous expliquer comment vous avez eu l’initiative de mettre à profit votre expérience pour Monnier Paris ?
Diaa Elyaacoubi
L’une des raisons pour lesquelles j’ai décidé de reprendre Monnier Frères est que la marque disposait d’une plateforme solide, avec une base d’utilisateurs conséquente et des partenaires stratégiques, mais elle était complètement ancrée dans la tradition, axée sur le Web2. Elle n’avait pas intégré la vision technologique essentielle dont elle avait besoin, faute d’équipes et de capacités adéquates pour la mettre en œuvre. J’ai donc réussi, dès 2020, à constituer des équipes de premier plan avec lesquelles nous avons progressivement développé notre infrastructure interne, comprenant les plateformes technologiques, les flux opérationnels, les outils et la vision. Aujourd’hui, nous nous concentrons sur la construction de notre infrastructure externe, où nous produisons du contenu afin de rassembler les nouvelles communautés digitales du Web3 et d’engager une conversation quotidienne avec elles. Nous essayons de répondre au mieux à leurs attentes et d’être le plus fidèle à la philosophie avant-gardiste de cet univers. À titre d’exemple, nous avons été les premiers à lancer la vente de NFTs en collaboration avec des artistes de la génération Z, tels que Ben Elliot, qui a créé sa propre cryptomonnaie. L’artiste a sélectionné trois produits de notre catalogue pour en faire trois œuvres NFTs uniques. Nous avons également lancé, en tant que marchand et en partenariat avec Republiqe, notre collection de mode numérique qui représente visuellement des vêtements conçus à l’aide de technologies informatiques et de logiciels 3D. Lors de la Metaverse Fashion Week sur Decentraland, nous avons collaboré avec un jury d’experts en partenariat avec Republiqe Clothing, afin d’offrir aux créateurs une visibilité considérable avec la présence de figures emblématiques des secteurs du gaming, du Luxe et du Web3. Notre ambition est de mettre en avant les créateurs actuels de l’univers Web3, qui disposent de communautés déjà établies et influentes, afin de démontrer leur impact croissant sur l’industrie du Luxe. Nous nous efforçons de construire des passerelles entre le Web2 et le Web3, ce dernier étant encore principalement connu des communautés de gamers à mon sens. Nous sommes convaincus que ces acteurs et créateurs du Web3 auront un impact significatif sur le design et les produits que l’industrie du Luxe commercialisera à l’avenir.
Journal du Luxe
Quelle est votre vision de l’avenir du commerce électronique ? Pensez-vous que les avancées du Web3 et de l’IA vont entraîner des changements significatifs dans la manière dont les marques de Luxe interagissent avec leurs communautés ?
Diaa Elyaacoubi
Lorsque nous évoquons l’avenir, je suis souvent enclin à citer Tony Robbins : "Nous surestimons toujours ce que nous pouvons accomplir en un an, mais nous sous-estimons grandement ce dont nous sommes capables d’accomplir en dix ans". Il y a dix ans, personne n’aurait pu imaginer la trajectoire qu’Instagram allait suivre pour devenir ce qu’ils sont aujourd’hui, tout comme il y a cinq ans, personne n’aurait pu prédire les accomplissements réalisés par TikTok. Lorsque nous examinons les différents cas d’utilisation actuels, je considère qu’il n’y a pas encore suffisamment de communautés. Je suis toujours convaincue que la première étape importante pour introduire le Web3 dans le secteur du Luxe, à l’heure actuelle, réside dans le domaine du gaming. Selon moi, cette étape représente le plus grand catalyseur pour permettre une adoption de masse de l’écosystème par le grand public. La gamification de l’expérience utilisateur et des programmes de fidélisation ainsi que la possibilité de faire circuler les utilisateurs à travers des jeux Play to Earn permettront de créer des expériences entre le monde numérique et le monde physique. La deuxième étape, à mon sens, consiste à aller à la rencontre des communautés existantes, des designers, des bâtisseurs et des acteurs de l’écosystème afin d’entamer des discussions sur d’éventuelles synergies et de premières expérimentations. Il est essentiel d’établir des relations tangibles avec différents partenaires du Web3 et des communautés. La dernière étape consiste à s’immerger véritablement dans cet environnement et à expérimenter. Lorsque vous êtes un acteur traditionnel, il est bien plus difficile de se positionner et il est nécessaire d’acquérir une véritable identité au sein de cet écosystème. Chez Monnier Paris, dans notre communication, nous souhaitons accompagner nos partenaires en leur proposant de ne pas attendre plusieurs années pour expérimenter par eux-mêmes, mais de commencer dès maintenant à expérimenter ensemble, car les défis à relever seront encore plus difficiles à surmonter dans le futur. Je constate que le secteur du Luxe est extrêmement attentif à ce qui se passe actuellement, en comparaison avec l’évolution du digital il y a 20 ans. Cependant, si les marques ne parlent pas le même langage que les consommateurs et ne disposent pas des processus opérationnels nécessaires, elles rencontreront inévitablement une barrière trop difficile à franchir. Pour surmonter celle-ci, il est essentiel pour elles de développer des outils et une mentalité qui s’alignent sur le Web3, afin de pouvoir réellement communiquer sur ce sujet. Dès le début, au sein de Monnier Paris, nous avons développé des plateformes technologiques pour relever ces défis, tout en construisant les valeurs et la mentalité de la marque. C’est grâce à toutes ces expérimentations que nous sommes capables d’alimenter aujourd’hui notre culture d’entreprise.
La suite de l'interview, l'intégralité du Hors-Série ainsi que le replay du Webinar "IA & Data" sont