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« L’événementiel est devenu un pilier pour les marques de luxe » Bertrand Mialet, Wild Buzz Agency
Publié le par Anaïs Clavell
C'est désormais un passage obligé pour les marques de luxe : chaque grand lancement est accompagné d'un pop-up, d'une soirée branchée, d'un dîner intimiste... Des expériences événementielles et immersives sur lesquelles Bertrand Mialet, fondateur de Wild Buzz Agency, travaille depuis plus de 15 ans. Il revient pour nous sur ses "brand experience" les plus marquantes et nous explique en quoi elles représentent aujourd'hui un levier stratégique majeur pour les marques de luxe.
Journal du Luxe
Vous avez plus de 1000 événements à votre actif… Parlez-nous des expériences les plus marquantes effectuées par l’agence dans l’univers du luxe ?
Bertrand Mialet
Encore plus que des expériences spécifiques, ce qui me fait vibrer dans le luxe, et ce depuis plus de 15 ans, c’est cette capacité unique à casser les codes, à surprendre. Ce secteur a évolué à une vitesse folle !
Ce qui ressort de ces années de projets auprès des grandes marques de luxe, c’est la liberté qu’on nous laisse pour tout exploser en termes de créativité. Ces "cartes blanches", c’est ce qui rend possible des projets comme notre restaurant éphémère avec Hennessy et Xavier Pincemin. "Restau Feat", en 2022, c’était bien plus qu’un dîner : un mariage entre haute gastronomie et culture hip-hop, sold-out avant même l’ouverture, avec un public éclectique – des jeunes amateurs de rap, des gourmets, des profils aux antipodes les uns des autres qui se sont retrouvés à s’encanailler ensemble. C’est ça, le luxe moderne.
Puis, il y a eu le lancement du parfum de Nina Ricci avec le Café Illusion, en plein cœur de Paris, au Châtelet, en mars 2024. Avec ce flacon géant, les pâtisseries sur mesure, les visiteurs ont eu droit à une plongée totale dans l’univers de la marque. En trois jours, 10 000 personnes sont venues vivre l’expérience. Ça prouve que le luxe aujourd’hui, ça peut aussi être accessible tout en restant exclusif.
Dans la même veine audacieuse, il y a eu le Noël de Rabanne, une autre expérience qui a complètement redéfini les codes du luxe. Un restaurant-club éphémère, dans cet immeuble désaffecté au cœur de Paris, monté de A à Z dans un lieu brut, authentique, pour une seule soirée, avec 70 influenceurs triés sur le volet. On y a mixé restauration et clubbing, dans un espace de 10 000 m², avec un décor qui tranchait complètement avec ce qu’on imagine du luxe traditionnel.
L’ADN artistique est au cœur de tout ce que nous faisons chez WBA. Que ce soit par passion pour l’art contemporain et la musique (d’où nous venons), l’agence maîtrise tout l’écosystème artistique et culturel. On ne se contente pas de suivre les tendances, on les précède en osant des propositions radicalement différentes.
Notre proposition pour les marques de luxe est là : une immersion totale, des expériences qui touchent et qui s’inscrivent dans l’air du temps. Et c’est carrément exaltant de façonner ces moments qui frappent les esprits, montrant que le luxe peut briser les codes tout en restant inoubliable. C’est ce qui fait des expériences impactantes pour le public, pour les marques… et palpitantes pour nous en tant qu’agence !
Journal du Luxe
Quels enjeux représente l’événementiel pour les marques de luxe ?
Bertrand Mialet
L’événementiel, c’est l’occasion pour les marques de luxe de sortir des sentiers battus, de provoquer de vraies rencontres et de créer des souvenirs marquants. C’est un espace de liberté où elles peuvent affirmer qui elles sont et, surtout, où elles veulent aller. Aujourd’hui, l’événementiel est devenu un pilier pour les marques de luxe. On ne parle plus seulement d’exclusivité, mais de vivre des expériences intenses, de créer des lieux de vie qui incarnent la marque et touchent un public qualifié. Que ce soit dans des pop-up qui attirent les foules ou dans des espaces plus intimistes, nos événements sont pensés pour provoquer des échanges forts.
C’est fou de voir l’évolution en seulement quinze ans. Quand on a commencé avec les marques de spiritueux et de champagne, on était parmi les pionniers. Maintenant, l’événementiel est devenu essentiel.
Ce qui fait la vraie différence aujourd’hui, c’est la capacité à créer des contenus ultra-viraux, taillés pour les réseaux sociaux, qui captent différentes cultures et sensibilités. Avec Hennessy, par exemple, quand on fait se rencontrer Xavier Pincemin et le rappeur Gazo. Une fusion explosive qui a parlé à des audiences variées tout en restant fidèle à l’ADN du luxe. Pour des maisons comme Laurent Perrier, Mumm ou Veuve Clicquot, c’est par des dîners exclusifs et des collaborations avec des artistes que l’on va valoriser leur savoir-faire, leur artisanat. Notre rôle, et la raison pour laquelle elles font appel à nous ? Nous avons la capacité d’imaginer pour elles des expériences avec une créativité sans limite, pour qu’elles conservent leur prestige tout en s’ouvrant à de nouvelles perspectives.
Mais les défis sont énormes. Avec le monde hyperconnecté d’aujourd’hui, maintenir une aura d’exclusivité devient un vrai challenge. Les réseaux sociaux exigent de la visibilité instantanée, et là, l’enjeu, c’est de réussir à jouer finement sur les canaux et le ciblage pour préserver cette rareté. Autre challenge de taille : l’équilibre entre authenticité et modernité, entre ce qui parle aux nouvelles générations et ce qui reste fidèle à l’essence de la marque.
Et puis, il y a les attentes grandissantes en termes de durabilité et d’éthique. La grande conso a pris ce virage depuis un moment, et le luxe doit maintenant suivre, sans baisser son niveau d’exigence. Nos événements doivent être aussi uniques qu’écoresponsables. Chaque activation doit avoir un impact qui dépasse les frontières ; c’est une fenêtre sur le monde, une preuve du prestige de la marque à l’international.
Journal du Luxe
Comment s’adresser et capter les consommateurs des marques de luxe en 2024 ?
Bertrand Mialet
Pour capter les consommateurs de luxe, j’ai la conviction qu’il faut leur proposer bien plus qu’une simple rencontre avec la marque. On est loin du luxe hyper-exclusif et fermé d’autrefois ; aujourd’hui, c’est le rayonnement qui prime, notamment via les réseaux sociaux.
C’est pourquoi on mise sur des événements de rupture : des lancements qui deviennent des expériences sensorielles complètes, des destinations éphémères inattendues, et des performances artistiques qui cassent les codes. L’idée ? Créer un lien immédiat et mémorable avec la marque, quelque chose qui va au-delà du marketing classique et capte l’attention instantanément.
L’hyper-personnalisation est un autre pilier incontournable. Aujourd’hui, chaque client doit se sentir co-constructeur. On va jusqu’à proposer des produits créés sur mesure, où il est impliqué à chaque étape, du choix des matériaux au design final. C’est l’ultime marque d’exclusivité : un produit unique, façonné à son image.
On voit aussi de plus en plus de jeunes en quête d’authenticité et de responsabilité. Ils ne veulent plus de discours marketing lisses. La transparence radicale est de mise : le parcours de chaque pièce, de l’artisan aux matériaux, devient une histoire en soi, un engagement réel sur l’impact environnemental de la marque. En parallèle, on joue sur des collaborations conscientes avec des créateurs émergents, des artisans locaux et des collectifs engagés. C’est là que la marque trouve de nouvelles histoires, un souffle d’authenticité brute qui parle aux nouveaux luxe-lovers.
Pour vraiment surprendre, il faut sortir des lieux classiques et investir des espaces inattendus : concept stores avant-gardistes, pop-ups dans des villas historiques, ruines rénovées, ou même des destinations exclusives. On mise sur des architectures qui coupent le souffle, sur l’art vivant pour un impact visuel et émotionnel fort. L’événementiel, c’est ce qui fait vivre la marque avant, pendant et après chaque expérience. Et avec un rayonnement sur les réseaux sociaux, l’impact est global, national et même international.
Journal du Luxe
Quelles sont les prochaines tendances que vous avez pu identifier en matière de brand experience ?
Bertrand Mialet
Je suis persuadé que c’est le retour des stunts, ces opérations coup de poing qui créent un impact immédiat et marquent durablement les esprits. C’est de l’action brute, qui interpelle et amène le luxe directement à son public, en sortant des chemins conventionnels.
Aujourd’hui, l'expérience de marque s’invite chez le consommateur. La proximité est devenue clé : on va là où ils sont, et même jusqu’à chez eux. Les expériences doivent pouvoir s’étendre à la maison, que ce soit via des expériences directement à domicile, des applications exclusives ou des événements en ligne.
Autre tendance, les collaborations artistiques. Elles explosent et vont bien au-delà de la mode maintenant ; on touche tous les univers, avec des collabs aussi variées que percutantes. Les marques ne sont plus uniquement luxe, elles deviennent lifestyle, et on est là pour les accompagner dans cette transition.
On voit aussi une vraie montée des expériences d’appartenance, où chaque client sent qu’il fait partie d’une communauté à part. C’est un enjeu majeur, surtout pour les jeunes générations, qui ne se contentent plus de promesses vides. Elles veulent du concret (et elles ont raison !) : des événements où les valeurs de la marque s’affichent pleinement. C’est clair : les marques de luxe doivent assumer leurs engagements si elles veulent rester crédibles et séduire cette nouvelle cible ultra-exigeante.
Le luxe qui fait rêver est loin d’être mort, et les possibilités en brand experience explosent. Aujourd’hui, les marques ont un terrain de jeu sans limites pour se réinventer, bousculer les codes et imprimer des souvenirs puissants. On est en plein dans une ère de redéfinition du secteur, et c’est exaltant d’en être acteur.