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Chères marques de luxe : installations éphémères et éco-responsabilité sont-elles compatibles ?

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Cet été, dans une actualité lourde liée aux conséquences du réchauffement climatique, la maison Saint-Laurent défrayait la chronique avec son défilé organisé au Maroc. La raison : un évènement d’une poignée de minutes, qui aura en réalité dénaturé le paysage et les ressources du pays à tout jamais… Tandis que les responsables de la marque se sont alors évertués à défendre leurs efforts de recyclage et de compensation carbone, le public n’a pu oublier la route de six kilomètres, construite pour l’occasion en plein désert d’Agafay. Au-delà de commenter l’ampleur prise par la polémique, je pense qu’il est plus qu’important de s’interroger sur l’avenir des installations éphémères – fortement plébiscitées par les acteurs du luxe – dans une société qui aspire à davantage d’éthique et de responsabilité.

Tip of the iceberg : de manière concomitante, quasiment au même endroit, Louis Vuitton organisait le lancement d’une collection de Haute Joaillerie, et la maison Cartier son worldwide meeting.

Éphémère et Durable : un non-sens (trop) évident.

Ce qui n’a qu’une "courte durée" peut-il "durer longtemps ou prendre en compte l’avenir de la planète" ? A fortiori, si l’on s’en tient aux définitions strictes – empruntées ici au Petit Larousse – la réponse semble simple. Produire un espace, une installation, ou même un objet, avec le souci de le détruire après quelques minutes ou quelques jours, paraît en effet assez peu défendable. Et pourtant… Supprimer toute notion d’instantanéité, d’éphémérité, d’événementialisation reviendrait philosophiquement à accepter uniquement les vies, productions, et choix les plus durables, et à rejeter dans le même temps toute forme de tests et d’apprentissages, anéantissant au passage tout effort de créativité. Des valeurs pourtant chères aux êtres humains – certes polluants, et totalement éphémères – que nous sommes, et fondamentales dans ce qui a constitué les progrès majeurs de notre société.

Sobriété et créativité sont-ils (ré)conciliables ?

Il est entendu que l’impératif de créativité en toute chose ne saurait constituer pour autant un passe-droit pour détruire notre planète. L’enjeu est donc désormais de trouver comment allier les surprises, émotions, et émerveillements que peuvent susciter les installations éphémères et pop-up stores aux impératifs de sobriété, de responsabilité, mais aussi d’exemplarité qui sont plus que jamais nôtres. En effet, ces rendez-vous donnés par les marques rythment nos saisons et sont autant de moments privilégiés qui nous permettent de connecter émotionnellement à ces dernières, à leurs inspirations, à leur univers. Et il faut reconnaître que bien souvent le recours à l’extra-ordinaire est la voie choisie pour garantir une empreinte mémorielle forte auprès de l’audience. La question est donc la suivante : l’extra-ordinaire, le merveilleux doivent-ils être synonymes de débauche d’énergie, de matière ou encore du produire/transporter/utiliser/jeter ? N’y aurait-il pas à l’échelle locale des sources d’émerveillement à créer ?

Et demain : pouvoir rêver sans gaspiller ?

Si nous ne souhaitons pas renoncer à l’éphémère, comment faut-il l’envisager demain pour qu’il puisse s’intégrer davantage dans les nouveaux standards responsables ?

Prenons l’exemple de Dior. En novembre dernier, la maison française a marqué le pas en inaugurant, à Dubaï, une boutique éphémère entièrement construite en matériaux naturels à l’aide de la technologie d’impression 3D et en collaboration avec l’entreprise italienne WASP dont la mission affichée, est, modestement, de "sauver le monde". Une initiative encore trop isolée, mais qui tend à prouver que le secteur peut précisément ici aussi faire l’exemple, en rivalisant de créativité et d’ambition pour repenser les fondamentaux du pop-up, mais aussi l’utiliser comme un levier de pédagogie auprès de ses clients, et de promotions d’acteurs innovants de l’éco-responsabilité, qui ont précisément besoin de ce soutien financier pour se déployer.

Si demain les pop-up stores ne voyagent plus - en tirant parti, notamment, des ressources locales -, il faudrait en faire de même pour les produits, dont le processus de création pourrait être complètement repensé pour les doter d’attributs propres à l’endroit et au moment où ils seraient conçus. Lors de la dernière semaine de la mode parisienne, Sébastien Meyer et Arnaud Vaillant, le talentueux duo créatif à la tête de Coperni nous a fait la magistrale démonstration d’une mode réconciliant l’éphémère au durable. A travers un happening avec l’iconique Bella Hadid, la pureté du dispositif et la sobriété des moyens utilisés pour la création d’une robe ouvrent sans conteste la voie à de nouvelles manières de créer et d’envisager un évènement de marque.

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