Sacs de luxe : 2023 ou la folie des grandeurs.

Physiques ou virtuels, les sacs de luxe aux dimensions hors normes ont envahi les rues et les écrans ces derniers mois. Retour sur un phénomène à l'enjeu bien moins anodin qu'il n'y paraît.

Louis Vuitton, Marc Jacobs, Jacquemus : des sacs en OOH et FOOH

Il y a quelques jours, les habitants de Shanghai ont pu assister à une étonnante scène : un sac Speedy rouge de 12 mètres plus vrai que nature, voguant sur les eaux du fleuve Huangpu. Déclinée devant l'une des boutiques Louis Vuitton de la ville ainsi qu'à Chengdu, cette installation gonflable avait pour but de promouvoir la sortie de ce modèle bestseller ici réinterprété par Pharrell Williams, directeur artistique des collections masculines de la Maison de couture.

Une initiative qui vient conclure une année 2023 particulièrement propice au gigantisme pour les sacs à main de luxe. Après quelques opérations épisodiques ces dernières années parmi lesquelles un immense sac Lady installé par Dior en 2010 devant l'une de ses boutiques new-yorkaises, la tendance est revenue au goût du jour en 2021 chez Burberry pour la promotion de son modèle Olympia. Et le concept s’est encore renforcé ces derniers mois avec par exemple une version inédite du Tote Bag Marc Jacobs nichée entre deux immeubles de Manhattan.

Quant à Jacquemus, si le créateur s'est imposé comme l'instigateur du sac XXL en réalité augmentée et du FOOH (Fake Out of Home), il s'est lui aussi récemment essayé à une itération physique avec une boutique pop-up installée à Séoul et figurant les traits de son Bambimou.

Des questionnements sociaux, écologiques et légaux

Ces créations éphémères semblent pourtant rencontrer un accueil mitigé. Si nombre de consommateurs témoignent de "l'effet waouh" suscité par ces opérations, d'autres s'interrogent sur leur bien-fondé. Sur le réseau social Reddit, des utilisateurs dénoncent par exemple le caractère "excessif" de ces campagnes ainsi que leur aspect invasif.

Nombreux sont également celles et ceux qui s'interrogent sur l'impact environnemental de ces sacs, qu'il s'agisse de leur conception ou de leur devenir post-usage. La bâche en forme de malle trompe-l'oeil installée par Louis Vuitton sur les Champs-Elysées s'est ainsi attirée les foudres de militants écologistes, soulevant dans la foulée plusieurs questionnement sur la pertinence de sa présence dans l'espace public. 

Le sac à main, emblème économique

Qu'elle séduise ou divise, toujours est-il que cette tendance s'inscrit comme un sujet-clé pour une industrie du luxe qui aura vu sa valeur bondir à 1500 milliards d'euros en 2023 selon une étude de Bain & Company. 

À la fois objet statutaire et territoire d'investissement, le sac à main s'impose comme un produit phare pour l'économie du luxe. Mais s'il pourrait bénéficier de la reprise des flux touristiques et de la demande des consommateurs pour des pièces adaptées à cette mobilité retrouvée, le sac doit aussi faire face à la concurrence de la seconde main, invitant les Maisons à rivaliser d'imagination pour donner de la visibilité à leurs nouveautés.

Une viralité grand angle qui n'a pas le monopole du succès puisqu'en juillet 2023, un sac microscopique aux couleurs de Louis Vuitton, invisible à l'oeil nu, s'est écoulé pour 63.000 dollars. De l'infiniment grand à l'infiniment petit, le luxe sait visiblement rester fidèle à son goût pour la démesure.