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Le petit lexique digital : dupe.

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Chaque mois, Laurent François décrypte les mots de nos identités numériques, en lien avec l’actualité.

/dupe/ : "Le mot "dupe" - contraction du terme anglais "duplicate" ou copie en français - désigne des alternatives bon marché aux produits de luxe, mais qui ne reproduisent pas exactement les logos ou les détails protégés par les marques, ce qui signifie qu’elles restent dans le cadre légal et ne peuvent être considérées comme des contrefaçons (en théorie…).

Les "dupes" font partie des grandes tendances tant en matière de consommation qu'en récits personnels sur les réseaux sociaux. 

Une étymologie qui vient de la culture du gaming

Dans les jeux vidéos, le duping prend naissance au début des années 2000. Le principe : exploiter un bug notamment dans les "jeux en ligne massivement multijoueurs" comme EverQuest II (Sony). En 2005, des utilisateurs ont rapidement partagé la faille afin d’obtenir de larges quantités de "platinum", la monnaie d’échange, leur permettant d’acheter une large quantité d’armes et autres biens virtuels.

Un avantage déloyal selon d’autres joueurs qui détruit la logique de méritocratie - obtenir dans les règles des équipements - et donc l’intérêt du jeu.

Signe extérieur de réussite ?

20 ans plus tard, les dupes ont un caractère ambivalent. Ils représentent un signe de réussite : dans notre monde connecté, l'imitation est souvent considérée comme un compliment. Les dupes seraient un marqueur d’influence pour les créateurs de contenus et les marques. En 2023, SKIMS de Kim Kardashian a généré une énorme attention sur TikTok avec son fameux body gainant. De même, le body a vite été copié à travers de nombreux dupes, qui ont eux-même été relayés en masse par les magazines de mode. 

Les dupes sont même devenus un format narratif sur les réseaux sociaux : comment trouver l’équivalent d’un haut Balenciaga chez Walmart ou Amazon, quelle alternative à un sac Chanel. Les défis ne manquent pas et constituent une façon tant de faire parler de soi que de s’insérer dans un mouvement de fond.

Le "dupe" permet à moindre frais de prendre part à une vague d’intérêt pour une marque, sans se ruiner, et ce tout en célébrant également le produit original.

Mais à quel prix ? Jouer avec les dupes nécessite d’être en situation de force sur le marché : si la marque contrôle en partie la distribution et la qualité de ses créations, il y aura en effet toujours une différence, une hiérarchie claire entre la copie et l’original. Idem pour les créateurs de contenus : si la personne a une communauté massive, solide, alors elle pourra exercer une forme de pression et bien s’assurer d’une certaine traçabilité vers le fait qu’elle est la source originale de l’inspiration.

Mais pour les plus petits créateurs ou les marques confidentielles ou en devenir, l’effet peut être brutal : se faire déposséder de son intention, de son terrain de jeu, avant même d’avoir atteint une puissance suffisante.

Un jeu de dupes où une certaine forme de violence semble régner, bien loin de l’élégance du luxe.




Laurent François est un dirigeant d’agence de publicité, spécialiste des stratégies créatives et digitales pour les maisons de luxe. Il est l’auteur de "Réseaux Sociaux : une Communauté de Vie" chez L’Harmattan et anime la newsletter "En Vivance".

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